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seule, toujours seule, n’ayant pour ordinaires compagnons de sa vie que le cochon rose, les poules noires, et aussi les corbeaux qui, le soir, repus, avant de rentrer des champs dans la forêt, s’arrêtent, un instant, au haut des peupliers.

Les gens du pays disent :

— Tout ça n’est pas clair !… Tout ça n’est pas naturel !

Et hochant la tête, ils jettent sur l’île un regard d’effroi, comme si l’île était hantée de quelque diabolique mystère.

Voilà plus de quinze jours que je n’ai vu la mère Riberval dans son île. La cabane est fermée ; le pot de géranium a disparu de la fenêtre, et les grands hélianthes, qui gardaient le seuil, penchent sur le seuil leurs tiges pourries et mortes. Les osiers, qui n’ont pas été coupés cette année, rougeoient comme des flammes parmi les herbes reverdissantes. Que se passe-t-il ? La mère Riberval est-elle malade ? Est-elle morte ?… Quel drame a soufflé par là ?… Je m’informe auprès d’un voisin, un vieux jardinier pensif qui, justement, se promène le long du chemin de halage.

— Comment ?… Vous ne savez pas ? me dit-il.