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— Je plante les boutures, — avec quel soin — en corbeille, devant la maison… Elles poussent, elles poussent !… Ah ! la belle corbeille ! Tout le monde était bien content… Du pays, on venait voir les pétunias pousser. Tout à coup, ils ne poussent plus… et non seulement ils ne poussent plus, mais ils jaunissent, mais ils pourrissent et, à la fin des fins, ils crèvent, excepté un, un seul !… Ah ! dame ! M. Quesnay n’était plus content, ni moi, fichtre !… Qu’est-ce qui pouvait être la cause de ça ? Je me creuse la tête !… Pas de vermine, une bonne exposition, de la terre parfait-bonne !… C’était à devenir fou, ma foi !… Et je n’étais pas loin de penser qu’il y eût, là-dessous, quelques diableries !… Quand, un soir, tard, qu’est-ce que je vois sur la corbeille des pétunias ? La cuisinière, monsieur, la cuisinière accroupie et qui pissait, et qui pissait, et qui disait : « Tiens, en voilà du madère, pour tes fleurs !… Tiens, en voilà du chablis !… » Et cela faisait un petit bruit, semblable à celui que fait la pluie qui sort d’une gouttière… Le lendemain, le pied de pétunia était tout jaune ; le surlendemain, il crevait de la même manière que les autres !… Voilà, monsieur, ce que nous autres, jardiniers, nous appelons un contact, en terme de métier… Eh bien, les glaïeuls de Monsieur ont eu aussi un contact… un fort contact même !… Ça, c’est sûr !