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Rabalan


Le jour n’apparaissait pas encore au-dessus des coteaux de Saint-Jacques, quand Rabalan sortit de sa maison, misérable masure en torchis, croulante, à peine couverte de quelques paquets de lande sèche, en guise de toit, isolée, au milieu d’une bruyère qui la séparait du bourg de Trélotte, dont les petites habitations, à cinq cents mètres de là, sur la gauche, se tassaient, inégales et sombres, autour d’un clocher pointu. Le visage de Rabalan était si pâle qu’il semblait rayonner sourdement, comme fait un linge blanc, dans l’obscurité. Son casse-pierres sur l’épaule, le carnier de toile, bourré d’un morceau de pain bis, sur le dos, il dévala la bruyère, prit la route, traversa le bourg où des hommes qui partaient aux champs, s’écartèrent de lui, avec effroi, en faisant des gestes symboliques. À la sortie de Trélotte, il ne s’arrêta point devant l’auberge