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ser, j’allai dans sa chambre, avec la bouteille d’huile, et une bonbonnière pleine de pastilles de chocolat… Et elle prit sa cuillerée, comme d’habitude, en grimaçant.

— Avale celle-ci, lui dis-je, et tu auras une belle pastille… Et encore celle-ci.

À chaque cuillerée, je lui donnais une pastille, et elle avalait la cuillerée d’huile pour manger la pastille de chocolat ; si bien qu’elle but ainsi, cuillerée par cuillerée, et pastille par pastille, toute la bouteille… Naturellement, elle fut très malade ; elle eut des vomissements, puis la fièvre, puis des convulsions… Finalement, elle mourut… Hé, hé, hé !

Hurtaud laissa échapper un petit rire, doux et léger comme un son de flûte ; un petit rire qui gonflait et faisait onduler, sur sa cuisse, les plis de son ventre, d’un mouvement de vague expirante.

— Mais laissons ces souvenirs de la première enfance, poursuivit-il, et revenons à Rosalie… Je me repentis fort, ainsi que vous devez penser, d’avoir épousé cette pastoure… Et ce qui m’étonne, c’est que je n’aie rien tenté contre elle, à cette époque. Du reste, je dois vous dire qu’elle m’était devenue très indifférente, et ne me gênait en quoi que ce soit… Je la voyais fort peu, ayant pris l’habitude de passer presque toute l’année à