III
J’avais des amis, de chers, de fidèles, de merveilleux amis.
C’étaient des poètes, des artistes, des contemplateurs de la vie.
Ils réjouissaient mon cœur et surexcitaient mon esprit. C’est par eux, c’est en eux que je me sentais vivre réellement. Ils avaient le pouvoir généreux de réveiller mon intelligence, qui sommeille un peu dans la solitude, et de me révéler à moi-même. J’aimais à les réunir souvent, à leur livrer ma maison, et je n’étais jamais si heureux que lorsque je les avais là, autour de moi. C’était comme une belle, comme une ardente flambée dont s’embellissait mon foyer, qui éclairait mon âme, réchauffait mes membres engourdis de froid.
Peut-être dans le bonheur que j’éprouvais de leur présence, cordiale aussi comme un bon vin, se mêlait un sentiment de pur égoïsme. J’avais nettement conscience de leur influence protectrice, de leur utilité morale, et « du coup de fouet », dirai-je, qu’ils donnaient à l’activité de mon esprit. Mais si mon amitié n’était pas absolument désintéressée, si elle n’allait pas jusqu’à l’oubli total de moi-même, elle n’avait rien de bas, de calculateur et de