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sionner des choses que je vois tous les jours !

La nuit vint… Ce fut un désenchantement pour moi… Je ne trouvai rien des ivresses que je m’étais promises.

Le lendemain se passa à Nice, en promenades délicieuses, dans les rues, au bord de la mer, à travers les montagnes. La nouveauté de ces horizons lumineux, la douceur changeante de la mer qu’une petite brise agitait légèrement, l’inhabitude de ces spectacles urbains qui font, de cette curieuse ville, une sorte de gare immense ou de gigantesque paquebot en route vers on ne sait quelle folie, tout cela dissipa un peu ce que, la veille, j’avais entrevu de menaçantes nuées sur le front de ma femme, et dans le ciel profond de ses yeux. Elle fut gaie, d’une gaieté méthodique, il est vrai, et qui craint de se dépenser toute en une seule fois, d’une gaieté sans émotion, sans une de ces émotions qui vous révèlent tout à coup, par l’entremise d’un visage heureux, ce qui s’allume de flammes de joie cachée, de trésors de bonté enfouis dans le cœur d’une femme. Mais je ne m’attardai pas à des réflexions inquiétantes sur cette réserve que je m’efforçai de prendre pour de l’élégance d’esprit. Nous rentrâmes à l’hôtel le soir, tard, un peu fatigués, un peu grisés par cette chaleur, par cette lumière.

Son manteau et son chapeau enlevés, ma