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Un soir, ma mère s’était rendue à l’église où se célébrait l’office du mois de Marie. Il ne faisait pas nuit encore, et le crépuscule était charmant et très doux. Il rôdait dans la maison une odeur puissante de lilas. Mon père devait être au jardin en train de chasser les escargots. Je me rendis à la cuisine. Mariette n’y était pas. Je la cherchai dans les autres pièces, je la cherchai dans toute la maison. Vainement. Alors, je descendis au jardin. Mon père non plus n’y était pas. Je fis le tour des allées et des massifs, vainement. Je pensai que mon père était peut-être sorti. Mais elle, Mariette, où donc était-elle ? Un peu surpris et, le dirai-je, mordu par la jalousie, je retournai à la cuisine, et là, je remarquai que Mariette avait laissé son souper inachevé.

— Le menuisier sera venu, songeai-je… Elle sera allée quelque part avec lui…

Je me dirigeai vers la grille, en faisant un détour par la basse-cour. Si je ne la trouvais pas dans la basse-cour, peut-être l’apercevrais-je sur la route, en train de gaminer avec des hommes, avec ce maudit menuisier dont je me plaisais à exagérer les qualités de séduction. Et voilà que, devant la porte de la grange, je vis le chien, assis sur son derrière, et qui flairait obstinément le seuil. Il ne se dérangea pas à mon approche. Je connaissais sa manière de