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dire, me fut révélé le mystère de l’acte sexuel, je n’eus plus une minute de tranquillité physique et morale. D’étranges hantises survinrent qui secouèrent ma chair réveillée et peuplèrent d’images brûlantes mes rêves, d’où la pureté s’envola.

Les femmes que je n’avais pas considérées, alors, autrement que les hommes, et dont le contact me laissait insensible, je les regardai davantage, avec des persistances étonnées, avec des doutes et de fatigantes curiosités. Je regardai leurs yeux, leurs lèvres, leurs mains, cherchant ce qu’ils pouvaient contenir de significations nouvelles. Je regardai les plis de leurs corsages, ouverts sur les nuques et sur les gorges, et les dévêtant par la pensée j’essayai, au moyen de comparaisons insuffisantes, de reconstituer la ligne des corps, la courbe des hanches, la rondeur du ventre, la floraison somptueuse des poitrines, et tout ce que j’ignorais de leurs formes voilées, de tous leurs organes interdits. Rien que de les frôler en passant, cela me faisait courir dans les veines un sang plus chaud, accélérait, quelquefois, jusqu’au galop furieux, les battements de mon cœur.

Je n’avais d’autres indications que celles, si furtives, si rapides, si grimaçantes, de vue et de toucher, acquises dans la lutte mémorable