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— Regarde-moi, voyons !… Je le connaissais, moi, le père Julien… C’était un homme qui payait régulièrement ses fermages… Sa mort me laisse dans un grand embarras. Peut-être que je ne retrouverai jamais un fermier pareil à lui… Eh bien !… Est-ce que je pleure, moi ?

Et, après un silence, d’une voix plus sévère, mon père ajouta :

— Ce n’est pas bien, ce que tu fais là. Tu ne sais quoi inventer pour me mortifier… Je ne suis pas content, du tout ! Ce matin, tu dis à ta mère, on ne sait quoi… Maintenant, tu pleures à propos de rien… Si tu continues, je ne t’emmènerai plus jamais avec moi…

IV

Autrefois, habitait avec nous une cousine de ma mère. Elle était fort difficile à vivre et si singulière, « si originale », si déséquilibrée en ses actions, qu’on « ne savait jamais à quoi s’en tenir avec elle ». Tantôt elle m’accablait de tendresses et de cadeaux, et, la minute d’après, elle me battait sans raison. Pif ! paf ! des claques, à propos de rien. Souvent, elle me pinçait le bras, sournoisement, quand je passais près d’elle dans les corridors, ou bien,