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muniquant. J’appliquai, par le raisonnement cette théorie innée et bien confuse encore dans mon esprit, aux nappes d’eau souterraines, et je conçus, oui, par une explosion de précoce génie, je conçus la possibilité d’un jaillissement d’eau de source, au moyen d’un forage, dans un endroit déterminé du sol.

Je fis part de cette découverte à mon père. Je la lui expliquai du mieux que je pus, avec un afflux de paroles et de gestes, qui ne m’était pas habituel.

— Qu’est-ce que tu me chantes là ? s’écria mon père… Mais c’est le puits artésien que tu as découvert, espèce de petite brute !

Et je vois encore le sourire ironique qui plissa son visage glabre, et dont je fus tout humilié.

— Je ne sais pas, balbutiai-je… Je te demande…

— Mais, petite bourrique, il y a longtemps que c’est découvert, les puits artésiens !… Ah ! ah ! ah ! Je parie que, demain, tu découvriras la lune !…

Et mon père éclata de rire. Ce rire, comme il me fit mal !

Ma mère survint. Elle ne m’était pas indulgente non plus.

— Tu ne sais pas, lui dit mon père… Nous avons un grand homme pour fils ! Le petit vient de découvrir les puits artésiens !… ma parole d’honneur !