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les féeriques transformations des chenilles, avec des joies profondes, traversées aussi de ces affreuses angoisses de ne pas savoir, de ne pas connaître. Souvent, j’adressais des questions à mon père ; mais mon père n’y répondait jamais et me plaisantait toujours.

— Quel drôle de type tu fais ! me disait-il… Où vas-tu chercher tout ce que tu me racontes ?… Les abeilles, eh bien ! ce sont les femelles des bourdons, comme les grenouilles sont les femelles des crapauds… Et elles piquent les enfants paresseux… Es-tu content, maintenant ?

Quelquefois, il était plus bref.

— Hé ! tu m’embêtes avec tes perpétuelles interrogations !… Qu’est-ce que cela peut te faire ?…

Je n’avais ni livre, ni personne pour me guider. Pourtant, rien ne me rebutait et c’était, je crois, une chose vraiment touchante que cette lutte d’un enfant contre la formidable et incompréhensible nature.

Un jour qu’on creusait un puits à la maison, je conçus, tout petit et ignorant que je fusse, la loi physique qui détermina la découverte des puits artésiens.

J’avais été souvent frappé, dans mes quotidiennes constatations, de ce phénomène de l’élévation des liquides dans les vases se com-