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Les deux employés ne répondirent pas, et ils continuèrent leur promenade, silencieux et encore plus lents. Le voyageur se fâcha :

— Dites-donc… espèces de gourdes… cria-t-il, la tête furieuse hors de la portière… vous pourriez bien répondre quand on vous parle ?… Est-ce qu’on part bientôt ?…

L’un des deux employés se décida à répondre.

— Je ne sais pas, moi.

L’autre appuya d’une voix hautaine :

— Nous ne sommes pas d’ici, nous… Nous sommes du grand chemin de fer, nous autres !

Et il prit une attitude pleine de noblesse et d’orgueil…

— Alors, qu’est-ce que vous fichez ici ?

— Nous regardons, tiens… Nous sommes en congé, donc !… On vient s’instruire un peu… pas vrai ?

Le compagnon interpellé hocha la tête :

— Tiens !… Bien sûr !… fit-il.

Le voyageur continua de maugréer, quelques secondes, puis, se rencognant avec des gestes protestataires dans le wagon, il finit par se taire, et alluma une cigarette… Les deux employés reprirent leur promenade qu’avait interrompue ce colloque… Ils examinèrent les rails… les compartiments de fer où viennent mordre les dents de la crémaillère, et la voie