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honorables, les plus rigides, le recevaient comme un vieil ami revenu d’un long voyage. Lui-même parlait de son absence, avec des airs calmes et lointains. Et quels talents !

Aucun ne savait mieux que lui organiser une solennité religieuse ; mettre en scène une procession, décorer un reposoir. Il était l’âme de toutes les fêtes, ayant beaucoup d’imagination et de poésie, et les cantiques qu’il composait spécialement pour ces cérémonies devenaient rapidement populaires. On les chantait, non seulement à l’église, mais encore dans les familles, le soir autour des tables de veillées… En ai-je chanté, grand Dieu, de ces cantiques-là !

M. Sosthènes Martinot fut naturellement chargé d’exécuter le plan de la fête en l’honneur de saint Latuin. J’ose dire que ce fut admirable.

Il vint, un matin, à la maison et dit à mon père :

— Je vous demande Georges… j’ai besoin de Georges. Oui, j’ai pensé que Georges, comme tambour, pourrait conduire la procession. Il n’est pas grand… ce n’est pas, mon Dieu ! un tambour-major… mais il bat très bien… il bat d’une façon extraordinaire pour son âge… il a du feu et des principes… Bref, c’est ce qu’il me faut… Et c’est un honneur que j’ai voulu lui réserver… Car on en parlera long-