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au bout d’une ligne, à la dérive des eaux profondes, avec d’énormes poissons, nimbés de poêles à frire.

M. Anastase Gaudon, prit, le premier, sa retraite. Il acquit, près de Bezons, un petit terrain et y bâtit une petite maison. M. Isidore Fleury acquit le terrain voisin, séparé seulement de celui de Gaudon par une simple palissade qu’interrompait un puits mitoyen. Une sente passait au bout de la palissade ; puis, à droite et à gauche, entre des champs dénudés, sans un arbre, des champs couverts alors de chaumes roussis, de gravats, et parsemés, çà et là, de maisons pareilles à des jouets d’enfant sur une table. Au loin, sur la détresse du ciel suburbain, brouillé de vapeurs lourdes, quelques cheminées d’usine crispaient leurs colonnes noires, et l’horizon, au delà de la plaine tout endeuillée de la tristesse morne des banlieues, se confondait avec les nuages couleur de suie.

Ce fut M. Gaudon qui, expérimenté déjà dans la bâtisse, surveilla la construction de la maison de Fleury. Celui-ci venait le dimanche. La mitoyenneté du puits fournissait aux deux amis l’occasion de plaisanteries intarissables et harmonieuses.