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ton jardin, comme moi avec ma maison… Tu prendras un homme de journée, une fois par semaine…

— Ce n’était pas la peine, alors, d’acheter une maison plus grande, si tu dois tout vendre, tout renvoyer, nous priver de tout… de tout !

Mme  Pasquain eut un regard de triomphe, et elle s’écria :

— Ah ! te l’ai-je assez dit !… T’ai-je assez averti que tu commettais une sottise, une folie…

— Mais, c’est toi qui as eu l’idée de cette maison… C’est trop fort, à la fin !… Toi qui te trouvais trop petitement ici… Il faut être juste, aussi…

— Allons ! voilà que c’est moi, maintenant… Je suis fâchée de te le dire… mais tu mens… Ce n’est pas beau, pour un homme de ton âge…

Les scènes se renouvelèrent souvent. Il fut décidé qu’on n’allumerait plus de lampe, le soir, dans le couloir ; qu’on supprimerait un plat, au repas, et l’abonnement au journal de modes ; qu’on remplacerait le feu de bois par du feu de coke ; qu’on ne garderait rien, rien de ce qui avait été leur humble bien-être et leur pauvre petit luxe.

Et, un matin, dans la grande maison presque vide, ils entrèrent, silencieux et mornes, Mme  Pasquain, d’abord, ensuite M. Pasquain flanqué