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et active, alla tous les jours rôder dans la maison, s’arrêtant devant chaque objet, ayant avec chaque chose d’étranges colloques.

Un matin, elle dit, au déjeuner, avec un air très grave :

— Il va falloir faire de grandes économies… J’ai beaucoup réfléchi… Ainsi, par exemple, le salon !… Nous n’avons pas besoin d’un salon… Nous voyons si peu de monde !… On pourrait vendre les meubles du salon.

— Oh ! mère ! fit Gertrude… Moi qui pensais qu’on l’aurait arrangé encore mieux !

— Est-ce toi qui paies ? interrogea Mme Pasquain, avec un regard dur et une voix toute brève… Tais-toi… C’est comme le piano… vous n’en jouez jamais… À quoi sert-il, le piano, je te le demande !… Oui, oui… pas d’encombrement, pas de bric-à-brac. J’ai horreur de ça !… J’ai horreur des choses inutiles.

— Mais, petite mère, osa répondre l’entêtée Gertrude… le piano, tu l’as acheté avec nos petites économies, nos petits cadeaux du Jour de l’An… Si nous n’en jouons pas, c’est parce que tu ne veux que l’accordeur vienne le réparer… Enfin, il est à nous, ce piano…

— Rien n’est à vous, ici, entendez-vous !… gronda Mme Pasquain.

Et, s’adressant à son mari, qui ne disait rien, elle dit :