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Comme d’autres devoirs rappelaient le prêtre à sa cure et à l’église, il se leva, l’heure arrivée, baisa pieusement le front du moribond, calme et profond ainsi qu’un ciel, et sortit de la chambre, où, dans quelques moments, quelque chose de grand, de presque divin, allait disparaître. Alors, la vieille bonne, qui le reconduisait dans l’escalier, se mit à fondre en larmes.

— Un homme comme ça !… Un homme comme ça !… Mourir sans le bon Dieu !… Quel malheur !

— Ne le jugez pas ! dit le prêtre son index levé vers l’infini. Ne le jugez pas, pas plus que je ne le juge moi-même, pas plus que Dieu, qui sait tout, ne le jugera… C’est un saint !

En regagnant le presbytère, il songeait, l’esprit envahi par les terreurs du doute :

— Sans Dieu, il a vécu une admirable vie… Il meurt, sans Dieu, paisible et rayonnant, comme un saint ! Dieu !… Est-il donc possible que Dieu soit inutile à qui possède une conscience !

M. Rouvin s’éteignit au matin, en même temps que les étoiles.

Voici ce que contenait la lettre, trouvée, le lendemain, dans le secrétaire. Elle portait, simplement, sur l’enveloppe, le nom du curé.