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— Je ne suis pas sourd, et je t’entends… Passe ton chemin… Nous n’avons pas à causer ensemble.

Le garde se dandine, une pâle grimace aux lèvres.

— Si, nous avons à causer ensemble… dit-il… Je ne viens pas en ennemi…

Le Polonais hoche la tête.

— Je t’ai dit de passer ton chemin… Tu n’as rien à faire ici… Ah ! Est-ce clair ?…

Et il se remet à son ouvrage, tandis que, du fond de la maison, une voix aigre de femme glapit :

— Puisqu’on te dit de passer ton chemin, canaille !

Le garde insiste et veut franchir la palissade, par une brèche. Mais le Polonais se dresse, d’un bond, vers lui, et, gesticulant, furieux, une flamme de meurtre dans les yeux, il crie :

— Je te défends d’entrer chez moi !… Fais bien attention… si tu entres… aussi vrai que je suis le Polonais… tonnerre de Dieu !… je te fais ton affaire.

La voix de femme répète, dans l’ombre de la maison :

— Oui ! oui ! Fais-lui son affaire…

— Eh bien ! écoute-moi… ordonne le garde en haussant les épaules… J’ai encore vu tes traces, dans le bois, cette nuit.