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quelque chose de terrible et de meurtrier.

Des faisans passent sur la route ; des faisans volent au-dessus de la route. Le Polonais les regarde passer, les regarde voler. Ses yeux brillent davantage, ses narines frémissent plus vite. Des traînées d’or luisent, ondulent, dans sa barbe remuée.

Tout à coup, sans qu’on ait pu savoir d’où il venait, un garde paraît sur la route, la carnassière au dos, à la main le bâton de cornouiller. Il s’arrête devant la palissade. Son visage est dur, sa moustache rude, sa peau tannée comme les guêtres de cuir qui enveloppent ses mollets. Un rayon de soleil tardif fait étinceler sur sa poitrine la plaque d’acier, indice de son autorité.

— Hé ! Polonais !… appelle-t-il.

Le Polonais lève lentement sa tête de fauve vers le garde et ne répond pas. Ses yeux, tout à l’heure si brillants, se sont éteints. On distingue à peine leur lueur ternie sous les broussailles de la barbe. Les narines ont cessé de battre.

— Hé ! Polonais !… réitère le garde, es-tu donc sourd ?… M’entends-tu ?…

Alors, d’une voix bourrue, le Polonais répond :