Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/71

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

haine, de terreur, si irrésistiblement comique, que Jules éclata de rire. Alors, il lui tapa familièrement sur l’épaule.

— Remettez-vous, lui dit-il, toujours riant, calmez-vous, curé… vos saletés ne me regardent pas, quoique en bonne justice, j’aie les preuves… Hein ! vous comprenez ?… Elles ne me regardent pas ; elles m’intéressent, voilà tout !… Seulement — calmez-vous donc, curé — seulement…

D’un coup de doigt, preste et sec ainsi qu’une chiquenaude, il fit rentrer un coin du rabat qui dépassait le collet de la soutane.

— Seulement, poursuivit-il, j’espère que vous allez me laisser tranquille, vous et votre séquelle, me fiche la paix, en un mot, saisissez-vous ?…

Et il pirouetta sur ses talons, en continuant de rire, tandis que l’archiprêtre, ahuri et muet, s’épongeait le front et s’efforçait de faire disparaître les traces de son trouble.

L’abbé célébra son triomphe, par d’impudentes joies et un redoublement de persécution. Lorsqu’il avait pris une mesure vexatoire, il affectait de se montrer en public, et, la bouche insolente, les yeux emplis de défis, il arpentait les rues, à grandes enjambées, avec des hâtes mauvaises. La tournée de confirmation où il accompagna l’évêque, son attitude provocante, l’humble soumission du prélat, causèrent, dans toutes les paroisses, une émotion considérable.

— Avez-vous vu comme il mettait l’évêque dans sa