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treront ce que c’est que l’âme d’un prêtre. S’il arrivait que vingt, cinquante, deux cents prêtres, se fussent défroqués, le même jour, à la même minute, le sort devra décider auquel de ces co-défroqués appartiendra le legs que je fais ici, librement et joyeusement, de ma fortune. Ils la joueront, soit à la courte paille, soit à pile ou face, sous la surveillance de mon exécuteur testamentaire.

Ce légataire inconnu et indigne devra garder Madeleine Couraquin ma servante, lui payer cent vingt francs de gages annuels ou lui servir, à son choix, jusqu’à sa mort, quatre cents francs de rentes.

Je prie M. Servières, propriétaire à Viantais, mon ami, de vouloir bien remplir ces fonctions d’exécuteur testamentaire ; je le prie aussi, en souvenir des bonnes relations que nous avons eues, en dédommagement des ennuis que je lui cause, d’accepter le legs que je lui fais de ma bibliothèque, telle qu’elle se composera le jour de ma mort. Et j’appelle toute sa sollicitude sur le paragraphe suivant.

M. Servières trouvera, dans la chambre qui fait face à la bibliothèque, une malle très vieille, peinte en noir, et dont le couvercle est garni de bandes en peau de truie. Je charge M. Servières, le quatrième jour qui suivra ma mort, de brûler cette malle dans la cour des Capucins, et ce, en présence du juge de paix, du notaire et du commissaire de police.

Je désire enfin que mon enterrement soit simple et très court ; qu’il ne soit célébré aucune messe, qu’il ne soit brûlé aucun cierge durant le service religieux, lequel sera celui des pauvres. D’ailleurs, comme je déclare n’affecter aucune somme d’argent à la célébration de mes obsèques, je me repose, de ce soin, sur la déconvenue de M. le curé Blanchard.


Jules-Pierre-Marie Dervelle,
Prêtre.