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V


Ma mère, installée depuis trois jours au chevet de l’abbé, venait de sortir. Elle allait à Viantais où elle avait, disait-elle, des commissions à faire. Et je restai seul, dans la chambre, avec mon oncle. La maladie avait encore ravagé son visage, creusé, de ses impitoyables griffes, des rigoles nouvelles sur la peau écharnée et toute sèche. La fièvre tachait ses pommettes saillantes de deux plaques pourprées, et ses yeux agrandis brillaient, au milieu d’un grand cerne bleuâtre, d’un éclat déjà surhumain. De temps en temps, de sa main tremblante, nouée d’exostoses, il portait à ses lèvres une tasse pleine d’un breuvage rafraîchissant, et sa langue empâtée faisait contre son palais un bruit pénible et continu ; il respirait difficilement. Sur le marbre de la commode, des fioles, symétriquement rangées, dégageaient des odeurs pharmaceutiques, et