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Et tandis qu’il parlait, enflant la voix, les oiseaux s’enfuyaient en poussant de petits cris ; les pies effarées gagnaient les branches hautes des arbres. Au loin, les chiens aboyaient.

— Mais tleure donc, mâtin, tleure donc ! me criait M. Robin qui, à bout de souffle, s’affaissait sur la berge de la route et restait là, pendant dix minutes, à s’éponger le front, dans une extase tribunitienne, où il voyait Berryer lui sourire.

En rentrant, il me faisait des recommandations.

— Tu travailleras ton droit, ou ta médecine ; tlus tard, tu iras à Taris… Eh dien !… rattelle-toi, mon ami, qu’il faut être économe… L’économie, vois-tu, tout est là… quand on a l’économie, on a toutes les autres vertus…

Pour la centième fois, il me citait l’exemple d’un jeune homme de Bayeux, à qui son père, très riche industriel, allouait deux mille francs par mois pour vivre à Paris. Le jeune homme se privait de tout, s’habillait et mangeait comme un pauvre, ne sortait jamais, dépensait à peine cent francs par mois, et avec ses économies entassées dans un bas de laine, achetait des actions de chemins de fer et des rentes sur l’État.

— C’est sudlime, ajoutait-il, en me tapotant la joue… C’est sudlime une conduite comme ça… Sois économe, mon garçon. Avec de l’économie, non seulement un sou c’est un sou, mais c’est deux sous, comme dit ma femme qui connaît toutes choses… Et tuis…

Mettant son chapeau sur l’oreille, en casseur d’as-