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— Eh bien ? interrogea ma mère émue et pâle.

— C’est fait !… Il consent… À partir de demain, Albert peut aller chez lui.

— Na, vois-tu ?… Je le savais bien !…

Elle se jeta dans les bras de son mari et l’embrassa.

— Avais-je raison, dis ?… Et comment les choses se sont-elles passées ?

Il fallut raconter l’entrevue. L’abbé avait été très froid, mais convenable. Il se promenait dans son jardin, vêtu d’une espèce de houppelande verte qui n’avait ni la forme d’une soutane ni la coupe d’un pardessus. Un vrai fouillis d’herbes, que ce jardin, où les allées même disparaissaient. Dès les premiers mots, Jules avait souri d’une manière drôle, puis : « C’est bon, avait-il dit. Je le prends, il peut venir. » Après quoi, il avait adressé deux ou trois questions au sujet de son élève. Où en était-il ?… Qu’avait-il appris ?… En reconduisant son frère jusqu’à l’entrée de l’avenue, il s’était expliqué de la sorte : « Je tiens à t’avertir que je ne changerai rien à nos relations que je trouve parfaites ainsi… Je ne veux pas vous voir, ni toi, ni ta femme. » Et l’on s’était séparé.

— Alors tu n’as rien vu de la maison ?… de la bibliothèque ?

— Rien. Il ne m’a pas prié d’entrer !

— Et lui, comment est-il ?

Mon père hocha la tête d’un air triste.

— Il vieillit diablement, le pauvre garçon… Je ne serais pas étonné qu’il eût une maladie de cœur…