Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/246

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

demanderas de se charger de l’instruction d’Albert… Albert est son filleul, sapristi !…

— Et le curé ? interrompit mon père… Il se froissera.

— Le curé, je m’en charge !… Une fois le petit dans la place, tu comprends que cela arrange joliment nos affaires… C’est à nous à manœuvrer habilement !… Sans compter qu’il peut le mener jusqu’à la seconde… une économie de quatre ans de collège, du même coup.

— Il ne me recevra pas ! objecta mon père.

— Qu’en sais-tu ?

— Cela va être des histoires !

— Quelles histoires ?… Où vois-tu des histoires ?… Quoi de plus naturel qu’un oncle donnant des leçons à son neveu ?… D’ailleurs, il s’ennuie… Ça le distraira…

— Et s’il refuse ?

— Eh bien ! tu t’en reviendras… Et les choses iront comme par le passé… Au moins nous aurons la conscience tranquille ; nous aurons tenté quelque chose.

Mon père se grattait la tête afin d’en faire jaillir des répliques triomphantes. Il était à bout d’arguments ; aucune objection ne se présentait plus à son esprit. Très ennuyé, il consentit.

— Allons, soit ! soupira-t-il avec efforts… J’irai un de ces jours…

— Pourquoi attendre ?… Avec une santé comme la sienne, il peut mourir d’un moment à l’autre… Est-ce que l’on sait ?… Non, tu iras demain !