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relles, car souvent la domestique avait entendu son maître marcher avec rage, frapper du pied, pousser des cris sauvages. Un jour, attirée par le vacarme, et croyant que l’abbé se disputait avec des voleurs, elle était venue écouter à la porte, et elle avait nettement perçu ces mots : « Cochon !… cochon !… abject cochon !… Pourriture ! » À qui s’adressait-il ainsi ?… Le certain, c’est qu’il ne se trouvait, dans la pièce, que l’abbé, la malle et la chaise !… Lorsqu’il ressortait de là, il était à faire frémir ; les cheveux de travers, les yeux terribles et sombres, la figure bouleversée, pâle comme un linge, et soufflant, soufflant !… Alors, il se jetait sur son lit, dans sa chambre, et s’endormait. C’était sûrement la malle, la cause de tous ces mic-macs. Cependant, Madeleine l’avait vue ; elle avait vu aussi la chaise… La chaise était en paille, avec des montants en merisier, comme toutes les chaises ; la malle était en bois peint, très vieille, avec des garnitures de peau de truie sur le couvercle bombé, comme toutes les malles… Ce qui n’empêchait pas Madeleine d’avoir très peur, et de se demander parfois, si elle ne ferait pas bien de prévenir les gendarmes.

Et Victoire toute frissonnante de terreur, son imagination de cuisinière hantée de choses surnaturelles et de récits merveilleux, s’interrompait de raconter, et demandait à ma mère :

— Enfin, Madame, à votre idée, quoi qu’y peut y avoir dans c’te malle-là ?… C’est-y point le diable ?…