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On dut l’emporter défaillant. Ce soir-là, il n’admit point qu’on lui parlât du testament qu’avait laissé ma grand’mère, et dans lequel elle faisait le partage de sa fortune, entre ses deux fils.

— Qu’on ne me dise rien de cela !… Je ne veux pas d’argent… je donne tout aux pauvres…

Mais, le lendemain, ayant pris connaissance du testament, il oublia sa douleur, s’encoléra :

— Ah ! mais non !… Ah ! mais non !… je n’accepte pas !… Je suis volé !… Je plaiderai…

Plus tard, il se montra d’une âpreté farouche dans le partage du mobilier, menaça d’envoyer l’huissier à mon père, pour un torchon, pour une casserole…

Enfin, les affaires réglées, et mis en possession de l’héritage, il vendit tout ce qu’il possédait et partit pour Paris.

Durant six ans, il ne donna aucun signe de vie. Était-il mort ou vivant ? Que faisait-il ? Mon père tenta, mais vainement, de recueillir quelques renseignements. On apprit que Jules avait abandonné sa cure sans autorisation, et ce fut tout. Lorsque M. Bizieux, un marchand de nouveautés de Viantais, allait à Paris, pour faire ses achats, mon père lui recommandait de s’informer, de voir, de regarder dans les rues… Qui sait ?… Un hasard !… M. Bizieux revenait :

— Ah ! j’en ai pourtant vu, du monde !… C’est pas l’embarras… Mais point de monsieur l’abbé.

Une fois, rue Greneta, il avait croisé quelqu’un qui