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— Taisez-vous !… que parlez-vous de religion… d’Église ?… Vous n’êtes rien… rien… rien !… Vous êtes le mensonge, la convoitise, la haine… Taisez-vous… Vous mentez !

Au milieu d’un silence profond, que ne troublait pas un souffle, de ce silence de mort qui succède aux cataclysmes, l’abbé continua :

— Vous mentez tous !… Depuis une heure, je vous regarde… Et, à le voir porté par vous, je rougis de l’habit que je porte, moi… moi qui suis un prêtre infâme, qui ai volé, et qui vaux mieux que vous, pourtant !… Je vous connais, allez, prêtres indignes, réfractaires au devoir social, déserteurs de la patrie, qui n’êtes ici que parce que vous vous sentiez trop bêtes, ou trop lâches, pour être des hommes, pour accepter les sacrifices de la vie des petits !… Et, c’est vous à qui les âmes sont confiées, qui devez les pétrir, les façonner, vous dont les mains sont encore mal essuyées de l’ordure de vos étables… Des âmes, des âmes de femme, des âmes d’enfant, à vous qui n’avez jamais conduit que des cochons !… Et c’est vous qui représentez le christianisme, avec vos mufles de bêtes à l’engrais, vous qui ne pouvez rien comprendre à son œuvre sublime de rédemption humaine, ni à sa grande mission d’amour… Cela fait rire et cela fait pleurer aussi !… Une âme naît, et c’est dix francs… Une âme meurt, et c’est dix francs encore… Et le Christ n’est mort que pour vous permettre, n’est-ce pas, de creuser la fente d’une tirelire dans le mystère de son