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dit que c’est facile d’écarter avec soin toutes les responsabilités qui menacent le repos, troublent les digestions et les sommeils, de fermer les yeux pour ne rien voir de ce qui chagrine, de se boucher les oreilles pour ne rien entendre de ce qui supplie… Mais on dit aussi que cela n’est ni beau, ni honnête, ni chrétien, que cela ressemble fort à la trahison d’un chef qui, le jour de la bataille, abandonnerait ses soldats, et les laisserait mourir, sans leur porter secours… On dit encore que pour agir ainsi, il faut avoir des raisons secrètes… On dit encore…

— On dit !… on dit… on dit des bêtises !… s’écria l’évêque qui, très pâle, le visage égaré, se leva de son siège, et, tournant le dos à l’abbé, marcha dans le cabinet, avec agitation…

Mais, bientôt, il craignit de s’être montré trop vif. Il ne voulut pas rester sur ce mot et sur cet audacieux geste, susceptibles de déchaîner, chez l’abbé, une de ces terribles colères, comme il en avait tant essuyé… Et calmé, tout d’un coup, il revint près de lui…

— Voyons, mon cher enfant, réfléchissez, vous me parlez de l’Empereur… qu’est-ce que l’Empereur a de commun avec un mandement de carême ?

— Tout le mal dont nous souffrons vient de lui ; toute l’impiété, toute la pourriture dont nous mourons viennent de lui… Sous ses apparences hypocrites d’ami de l’Église, sous l’insultante protection, dont il fait semblant de nous couvrir, il est le grand agent de destruction, le…