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cessé de les racheter ; cela saute aux yeux… Et nos supérieurs ne voient pas cela !… Quel aveuglement ! » Alors se développa en lui l’extravagante idée qu’il avait une mission à remplir, mission inévitable et glorieuse : reconstituer l’Ordre des Trinitaires, tel que l’avaient établi ses saints fondateurs, Jean de Matha et Félix de Valois.

— Et je le reconstituerai ! s’écriait-il, avec une foi ardente de prophète, en décrivant, de son bras étendu, un geste qui embrassait le monde.

Mais, par une complication de sa nature superstitieuse, qui ramenait toutes choses à la volonté de Dieu, il était persuadé que le Très-Haut ne lui prêterait la force d’accomplir ce grand œuvre, que s’il relevait auparavant, dans sa magnificence ancienne, la chapelle abattue par l’impie. Il résuma donc la situation par ces simples mots.

— La chapelle d’abord, l’Ordre ensuite… Allons, c’est bien !

Quand il dut examiner les moyens pratiques à employer, le Père Pamphile se trouva d’abord très décontenancé. Il eut un moment de stupeur, de désespoir. Dans ses méditations acharnées, jamais il n’avait songé aux difficultés matérielles d’une pareille entreprise. S’imaginait-il donc que les églises se bâtissent toutes seules, et qu’il ne faut qu’un peu de foi pour que, des profondeurs du sol, elles montent dans le soleil, vibrantes du chant des orgues ? Hélas ! il ne s’imaginait rien, le pauvre brave homme. Il revoyait cette chapelle