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Le membre de l’opposition

Je proteste… ce serait établir un précédent déplorable… Toutes les casernes de France sont infectées, toutes les eaux imbuvables… La fièvre typhoïde est une institution en quelque sorte nationale… ne touchons pas aux vieilles institutions françaises.

Le membre de la majorité

Oui, Messieurs… ne touchons pas à ce qui fait la force de notre belle armée, à ce qui est son honneur… la mort ! Ne donnons pas à l’étranger le spectacle douloureux d’une armée battant en retraite devant quelques problématiques microbes, d’une armée qui est synonyme d’Austerlitz et de Marengo. (Tempête de bravos).

Le maire (très ému)

Après les admirables paroles que vous venez d’entendre et l’accueil enthousiaste que vous leur avez fait, je crois inutile de mettre aux voix la proposition concernant les crédits… (Tous les conseillers se lèvent, gesticulent, « Non !… non !… pas de vote !… pas de crédits » Tumulte indescriptible. À ce moment, paraît dans la salle des délibérations, un huissier, il est porteur d’un pli cacheté que, très pâle, il remet au maire. Celui-ci ouvre le pli, devient livide, pousse un cri).

Le membre de la majorité

Qu’est-ce qu’il y a ?

Le membre de l’opposition

Silence !… Qu’est-ce qu’il y a ?…