Page:Mirbeau - En route, paru dans l’Écho de Paris, 14 juillet 1891.djvu/8

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le mari

Tu es folle ! je ne comprends rien à ce tu racontes… Tu es folle.

La grosse dame

Oui ! oui… je sais ce que je dis… Elle n’a pas encore treize ans… Et qu’on te prenne ?… Ça en ferait des scandales !… Je suis déjà bien assez malade, mon Dieu. Tu pourrais m’éviter des transes pareilles. Quand j’entends sonner à la maison, il me semble que ce sont les gendarmes qui viennent !…

Le mari

Je te dis que tu es folle… Des gendarmes !… Moi, un ancien conseiller à la cour de Caen !

La grosse dame

Ne te fâche pas !… Mon vieux, je sais bien que je ne suis plus une femme pour toi… Je ne suis pas jalouse, et je comprends qu’avec ta nature il te faut du plaisir que je ne puis plus te donner… Mais prends garde !… Tu as des ennemis, et je sais que l’on jase déjà !… C’est comme mes bonnes !… D’abord, ça n’est pas digne !… Et puis, elles ne me soignent pas… Elles se moquent de moi. Quand je suis malade, elles font tout de travers… Non, je t’assure, ça n’est pas une vie !

Le mari

Je ne sais pas, en vérité, où tu vas cher-