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salit les allées… et ça fait peur aux chevaux… » Et il a ajouté : « Je t’avais averti. Tu ne dois t’en prendre qu’à ta maladresse… » Le plus drôle — Mademoiselle s’en souvient peut-être, — c’est que l’année dernière, à ses réunions électorales, Monsieur disait que tous les maux du pays venaient de la dépopulation… Tout de même, on en voit de raides, par le temps qui court… (Silence.) Bien sûr qu’on n’a pas des enfants par exprès, pour son plaisir… On a déjà bien assez de peine de vivre à deux, dans notre condition… Mais quand les enfants viennent, on ne peut pourtant par les tuer… C’est-y vrai, ça Mademoiselle Germaine ?

Germaine. — Qu’allez-vous devenir ?… Y avez-vous songé ?…

Le Jardinier. — Dame !… Je vais chercher une place… Mais ce n’est guère le moment !… En pleine saison comme on est. Elles sont toutes prises… Et puis, avec une femme enceinte sur les bras ! Ah ! il va falloir en faire des maisons et des maisons… subir des humiliations, des refus, du mauvais temps… Car on ne veut plus, aujourd’hui, que les serviteurs aient d’enfants… Ça n’est pas commode, allez… Et l’on a bien du mal !…

Germaine, émue et gênée. — Je ferai pour vous tout ce qui m’est possible… Adieu !

Le Jardinier, ému aussi. — Adieu, Mademoiselle Germaine… Mais vous n’êtes guère heureuse, non plus, vous…