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Le Jardinier. — Pas faire attention ! Mais Mademoiselle Germaine, c’est que Monsieur vous engueule… faut voir ça !… Pardon, excuse… ça m’a échappé !

Germaine. — Allez, allez !…

Le Jardinier. — Et puis… Non, là, vrai !… Monsieur a des idées comme personne… Il voudrait que les châtaigniers produisent des melons, et les laitues, des abricots… Eh bien, moi, je ne peux pas !…

Germaine. — Ni les châtaigniers non plus, ni les laitues !…

Le Jardinier. — Bien sûr !… On a beau être riche, il y a bien des choses qu’on ne peut pas avoir !… La nature est la nature, pour tout le monde… (Un petit silence.) Enfin voilà !

Germaine. — Voyons !… Vous avez été peut-être un peu susceptible, et, peut-être, vous avez mal pris une observation sans importance que vous faisait mon père ?…

Le Jardinier. — Susceptible !… Depuis cinq ans que je sers Monsieur !… Ah ! Mademoiselle, faut-il au contraire, que j’en aie avalé, sans rien dire, des couleuvres !… Car, c’est tous les jours à recommencer !… Quand ce n’est pas une chose, c’en est une autre !… (Silence embarrassé.) Rien ne m’ôtera de l’idée que Monsieur m’en voulait davantage depuis que l’année dernière, le jour de la fête du pays, Monsieur avait voulu faire peindre en tricolore tous les arbres de l’avenue !…