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Germaine. — Dites-moi ce qui s’est passé entre mon père avec vous.

Le Jardinier. — Mon Dieu !… Il ne s’est, pour ainsi dire, rien passé…

Germaine. — Mais encore ?

Le Jardinier. — Comme tous les jours… Mademoiselle sait bien ! Seulement, à la longue… on se lasse.

Germaine. — Parlez-moi avec franchise… Vous pouvez me parler à moi. Ça n’est pas la première fois !

Le Jardinier. — Bien sûr ! Bien sûr ! Mademoiselle comprend les choses. Elle a bon cœur… Elle ne méprise personne. Oui, pour ça !…

Germaine. — Allons !

Le Jardinier. — Eh bien voilà. D’abord, Monsieur est trop exigeant… On ne peut jamais savoir ce que veut Monsieur !… Ainsi une supposition : quand une planche de légumes est à droite, il voudrait qu’elle soit à gauche. Et si elle est à gauche, il tempête pour qu’elle soit à droite. Et ainsi de suite !… Monsieur vous ferait quasiment tourner en bourrique, sauf vot’ respect, Mademoiselle. Avec Monsieur, ça n’est pas du travail !… Pour être des petites gens, on a, tout de même, chacun son amour-propre, n’est-ce pas ?

Germaine. — Vous connaissez bien mon père… Il est parfois un peu braque. Il ne fallait pas faire attention à ce qu’il vous disait !