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grands défauts… Je suis la première à en souffrir et à les lui reprocher. Il est vantard, vaniteux, inconsidéré, c’est possible !… Il aime à tromper les gens !… Dame ! dans les affaires !… Mais enfin, ton père est ton père… Ce n’est pas à toi de le juger.

Germaine. — À qui donc, alors ?

Mme Naturel. — Qu’est-ce que tu dis ?

Germaine. — Moi ? rien.

Mme Naturel. — C’est heureux !… Et puis, sa fortune ne doit rien à personne, tu entends… à personne !… Il l’a gagnée en travaillant !… Et moi qui me tue à faire des tricots pour les pauvres ! Hein ! A-t-on vu cette petite sotte… cette orgueilleuse, cette péronnelle… qui se permet de juger ses parents !…

Germaine. — Mieux vaut que ce soit moi qui les juge !

Mme Naturel. — Tais-toi !… C’est odieux !… Tu es une fille dénaturée… Si quelqu’un t’entendait, ce serait à ne plus se montrer jamais devant personne !… Il ne te manque aussi que d’exciter les domestiques au pillage de la maison !… Ah ! c’est complet !… Veux-tu aller à la cave, oui ou non ?

Germaine. — Non.

Mme Naturel. — C’est bien, j’irai moi-même… J’irai, malgré mes rhumatismes !…

À petits pas lourds, s’appuyant aux meubles et roulant sur ses grosses hanches trop molles, elle sort de la pièce, maugréant et grondant.