Page:Mirbeau - Chez l’Illustre écrivain, 1919.djvu/8

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Entre le reporter. Petit, gringalet, l’œil louche, le dos servile, infiniment respectueux ; il s’arrête sur le seuil de la porte et salue…

Le Reporter. — Mon cher maître !… Veuillez m’excuser si j’ose, de si grand matin…

L’illustre Écrivain, tendant sa main. — Entrez donc, cher ami, entrez donc…

Le Reporter, il s’avance timidement, en faisant des courbettes et des révérences. — Excusez-moi… seulement, je… mon cher maître !

L’illustre Écrivain. — Mais non ! mais non !… Vous êtes chez vous, ici, vous le savez bien… D’abord, ce n’est pas comme journaliste que je vous reçois… c’est comme ami… vous êtes un ami…

Le Reporter. — Oh ! mon cher maître !

L’illustre Écrivain. — Mais si… mais si… Vous êtes un ami… Et vous avez beaucoup de talent.

Le Reporter. — Mon cher maître !

L’illustre Écrivain. — Beaucoup de talent… Votre article d’hier, vous savez, c’est une page !

Le Reporter. — Oh ! mon cher maître !

L’illustre Écrivain. — Mais asseyez-vous donc, cher ami… vous déjeunez avec moi, n’est-ce pas ?

Le Reporter. — Oh ! mon cher maître !

L’illustre Écrivain. — Si, si… vous déjeunez avec moi… sans cérémonie, n’est-ce pas ?… Des œufs brouillés aux truffes… des perdreaux