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Dumoulin, prenant une cigarette. — Mâtin !… bout en or !… c’est pas une cigarette ça… c’est un porte-crayon !…

Le Grand Écrivain. — Ce qu’il y a de plus chic, en ce moment, mon cher… ce qui se fume à Londres… Un cadeau de la comtesse Boniska…

Dumoulin. — Ah ! ah !… Tu te mets bien ! Ce sacré Grand Écrivain !… Quel tombeur !

Le Grand Écrivain. — Mais non !… mais non !… pas ce que tu crois !… Une amie, simplement… une vieille amie !

Dumoulin. — Tu as raison d’être discret, sapristi !… (Il allume une cigarette, tire une bouffée, fait la grimace.) Eh bien ! tu sais… n’en déplaise à ta vieille amie… ses cigarettes… elles ont un goût… Tu permets !… (Il jette la cigarette dans un cendrier, et en prend une dans son porte-cigarette.) Moi… c’est curieux… je n’aime que l’antique caporal…

Le Grand Écrivain. — Comme tu voudras !…

Dumoulin, s’asseyant. — Alors, tu as mal à l’estomac ?

Le Grand Écrivain. — Oui !

Dumoulin. — Tu dînes trop en ville, mon vieux.

Le Grand Écrivain. — Mais non… je t’assure… ce n’est pas cela… (Mélancolique et dégoûté.) C’est ma vie d’aujourd’hui… les exigences qu’elle m’impose… les tracas… les servitudes… les obligations, les complications dont elle est faite… Je ne suis plus libre, moi !… C’est très