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rires, une physionomie calme et sereine. Il n’en sentait ni l’insulte, ni le ridicule… La tempête passée, l’Illustre Écrivain demanda, avec une politesse ironique :

— Et votre seconde impression ?… Ah ! mon cher, je vous en prie, ne nous en privez pas !…

Le jeune poète répondit :

— À vrai dire… cette seconde impression n’est pas une impression… C’est quelque chose de plus. C’est une certitude, cette fois, une certitude humaine… bien que rien ne puisse me donner une certitude plus profonde, plus absolue, dans son mystère, que l’impression que je viens de vous confier… Ceci donc s’adresse surtout aux âmes rétives à la vérité intérieure, comme les vôtres…

Personne ne se récria. On se disposa même à une joie nouvelle… Il y avait, dans tous les regards, l’attente, la curiosité d’une extravagance. Les yeux étaient fixés sur lui comme sur un pitre qui vient d’entrer en scène, et de qui on espère des tours, des grimaces que l’on ne connaît pas encore.

— Allons, parlez ! Nous vous écoutons !

— Comment voulez-vous ? dit le poète avec plus de chaleur dans la voix, qu’un homme comme M. Scheurer-Kestner, un homme de sa grade pureté de vie, de sa valeur morale, de sa situation sociale, un homme de son intelligence, de son héroïsme réfléchi, se soit dévoué