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effacée, invisible, mais obstinée. De chez les éditeurs, aux ministres… des ministres aux journaux, dans tous les coins où je passe, j’ourdis des trames, je tisse des toiles où les mouches viennent se prendre, et que je lui donne ensuite à manger, à dévorer !… Et ça me donne, Joseph, ça me donne des joies plus vives que les joies de l’amour !… Je m’exalte à me dire que tout cela est mon ouvrage… que sans moi il ne serait rien… rien !… et que le jour où il me plaira de retirer cette main, qui seule soutient cet édifice… eh bien, l’édifice croulera tout entier !…

Joseph. — Ah ! madame Beauduit… si j’avais trouvé une femme comme vous !…

Il rêve.

Mme Beauduit, elle se lève. — J’ai encore des courses à faire… Il faut que je m’en aille… Dites-lui que je reviendrai demain matin… J’ai à lui parler…

Joseph. — Ah ! madame Beauduit ! Monsieur est indigne de votre génie !

Il se lève aussi.

Mme Beauduit. — Vous lui direz que j’ai vu le ministre, ce matin… Il m’a formellement promis la rosette, pour le mois de janvier… Et voyez comme c’est drôle… il n’en avait plus, le