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eh bien, elles ont tout de suite assez de Monsieur, les femmes du monde. Monsieur les dégoûte ! Et je comprends ça !… Il n’est pas tentant, Monsieur ! Il n’a pas le moindre esprit… il n’est pas délicat. Il n’est rien, quoi !… Il n’a rien ! Et ses jambes torses… ses mollets de travers… sa touffe de poils sur les épaules ! Et puis, sous ses beaux vêtements… voyons, madame Beauduit… vous le connaissez… Il n’est pas déjà si soigné que ça !… Vous le savez aussi bien que moi… la propreté… ça n’est pas le fort de Monsieur !

Mme Beauduit. — Ça… Je croyais que maintenant…

Joseph. — Avec son air flambant, si je vous disais que j’ai toutes les peines du monde à lui faire prendre un bain… Ah tenez… à votre place, je l’enverrais se promener, moi, Monsieur ! Et qu’il s’arrange tout seul !… ça ne serait pas long, la dégringolade !

Mme Beauduit. — Qu’est-ce que vous voulez ? Je ne suis plus jalouse… Et ça m’intéresse de travailler pour lui… et qu’il me doive son succès, sa réputation, ses honneurs !… Ce n’est pas lui que j’aime maintenant… Oh ! non… Ce que j’aime, c’est ce que j’ai fait de lui !… C’est d’avoir imposé au monde, au public, aux lettrés, l’incroyable mensonge qu’il est !… Aussi, je continue… je vais, je viens, du matin au soir, je trotte, je trotte pour lui… Je vais partout…