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Mme Beauduit. — C’est vrai !… Ah ! j’ai eu du mal !

Joseph. — Et moi, donc !… Si vous croyez que je n’en ai pas encore, pour le déshabituer de ses allures de rasta… Et comme écrivain !… Tenez, ce matin encore… en dictant… il donnait au mot : virtualité, le sens de « force sexuelle, de puissance virile »… Ma parole d’honneur ! Il me dictait ceci : « C’était un homme d’une virtualité considérable ! » (Il rit.) C’est à ne pas croire, hein ? Et c’est tout le temps comme ça !… Monsieur ignore absolument, totalement, le sens des mots !… C’est-à-dire que, si je n’étais pas là pour rectifier toutes les bourdes de Monsieur, ce serait un éclat de rire autour de Monsieur ! Ah ! non… Monsieur est trop bête !

Mme Beauduit, elle soupire. — Qu’est-ce que vous voulez, mon pauvre Joseph !…

Joseph. — Je voudrais au moins que Monsieur ne se moquât pas de nous… Je trouve que Monsieur en prend trop à son aise avec nous ! Monsieur n’est pas juste… Monsieur n’est pas reconnaissant… Monsieur a une très sale âme !… Enfin, quoi !… vous êtes encore une belle femme, ma chère madame Beauduit… une belle femme, nom d’un chien !… Monsieur aurait bien pu se contenter de votre amour et ne pas vous lâcher comme il a fait !… C’est ignoble !

Mme Beauduit. — Oh ! je ne lui en veux pas de ça !… Il y a longtemps que l’amour n’existe