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— Est-ce qu’il n’y a personne qui s’occupe de vous ?…

— Il y en a quelques-unes… On ne veut pas les entendre… On n’entend jamais que ceux qui font les lois… Et toutes les lois sont contre nous !… C’est bien simple !… Il faut, à l’homme, pour vivre — pour vivre seulement — cent mètres cubes d’air pur, par vingt-quatre heures… au-dessous de quoi, c’est l’asphyxie… Or, les logements — nos logements — n’ont en moyenne qu’une capacité de trente mètres… et dans ces trente mètres sont entassés la famille, le chien, le chat, les oiseaux, — car il faut bien des bêtes pour nous aimer, — sans compter les fleurs qui exhalent de l’acide carbonique durant toute une nuit de huit heures… Ajoutez que, le plus souvent, ces trente mètres ne forment qu’une seule pièce, tout à la fois cuisine et chambre à coucher, que la cheminée ou le fourneau rebelle, la lampe qui fume, prennent l’oxygène utile et rejettent les gaz dangereux… Ajoutez aussi qu’à chaque entrebâillement de la porte, entre de l’air qui a passé de chambre en chambre, dans toute la maison… de l’air qui est allé sentir les alvéoles pulmonaires d’un tuberculeux d’en haut, d’un catarrheux d’en bas, qui a passé sur de la diphtérie, de la fièvre typhoïde, de la scarlatine. Conclusion : maladie et misère, et finalement mort… J’aime mieux me saouler.