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mort !… Alors, quoi faire ?… Et c’est sans remède, voyez-vous, et c’est abominable ! Si on avait de l’air, encore !… Dans les maisons, ou plutôt dans les taudis où l’on nous force à habiter, il n’y en a pas !… Où en prendre ?… La porte s’ouvre sur un couloir ou sur un palier, empuanti par les émanations des cabinets et des plombs… La fenêtre, elle, donne sur une cour profonde, humide et noire comme un puits, où flottent, dans l’air déjà irrespirable des grandes villes, tous les germes mortels, où tourbillonnent tous les pullulements bacillaires que peuvent produire les ordures stagnantes et volantes de cent cinquante ménages, parqués en d’obscures cellules… J’aime mieux ne pas ouvrir et ne respirer que nos ordures à nous, que nos poisons à nous !… Dame ! n’est-ce pas ?…

— Et, alors ?…

— Alors !… Rien…

— Et les pétitions ?

— Oh ! la la !…

— Et la révolte ?…

— J’en ai soupé… On a fait des révolutions en criant : « Du pain !…Du pain !… » On pourrait en faire une, en criant : « De l’air !… De l’air !… » Mais, comme les révolutions, jusqu’ici, ne nous ont pas donné davantage de pain, il faut croire qu’elles ne nous donneraient pas davantage d’air pur !… J’aime mieux me saouler, quand je puis !…