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vu… Et c’est pour cela, monsieur le commissaire, que je voulais en avoir le cœur net !

Le commissaire réfléchit, puis, prenant une résolution brusque :

— Tout cela n’est pas clair ! dit-il… Je vais vous mener au Dépôt… Je vais mener aussi le camelot au Dépôt… Vous vous débrouillerez devant le juge d’instruction.

Et il ordonna aux agents :

— Au Dépôt, tout le monde !… Par le flanc droit, arche !…

Je fus donc conduit au Dépôt. Durant la route, le camelot ne cessa de protester :

— Je suis un citoyen français !… Je me plaindrai à Rochefort !…

Il y avait eu, dans la journée, une rafle de malfaiteurs et de filles publiques. Toutes les salles de cette abominable prison étaient encombrées, pleines de figures assez sinistres, il est vrai, mais dont j’eus plus de pitié que d’horreur. Je n’essaierai pas de dépeindre la saleté et la malodeur de ces salles. Cela dépasse toute imagination, et je ne crois pas qu’il y ait, dans la langue, des mots assez forts, assez vengeurs, pour en donner l’idée. L’impression sur ma personne physique fut telle que je faillis m’évanouir. Il me sembla que je venais de recevoir, d’un coup, le choc de toutes les maladies mortelles. De fait, l’air chargé de miasmes trop lourds était irrespirable. Il s’agglutinait à mes bron-