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— Et d’où venez-vous ?

Alors, je racontai mon pays, ma mère, monsieur Narcisse, mon petit chien Bijou, ma maladie, notre voyage à Paris, et les vieux amis de ma famille, et la terreur que j’avais eue, dès le premier jour, dans l’escalier de la maison meublée…

Le commissaire ponctuait chaque phrase d’exclamations comme celles-ci : « Bon ! Bon ! Diable !… Diable ! » et il soufflait comme une forge !

Lorsque j’eus terminé mon récit :

— C’est bien curieux !… fit-il, c’est curieux !… Une jeune femme, mon Dieu… que vous l’ayez tuée, je ne l’excuserais pas… mais je le comprendrais… Dans la passion, on ne se connaît plus… Va te faire fiche ! Mais une vieille comme celle-ci !… Ma parole d’honneur, c’est trop fort !… Vous êtes donc fou ?…

— Mais je ne l’ai pas tuée, monsieur le commissaire, criai-je de toutes mes forces. Ce n’est pas moi qui l’ai tuée !…

— Alors, qu’est-ce que vous me chantez depuis une demi-heure ? Qui est-ce qui l’a tuée ?…

— Je ne sais pas !…

Le commissaire se leva, me prit par les épaules, me regarda fixement :

— C’est le camelot, hein !… Allons, dites-le !… Mais dites-le donc !…

— Mais non… je ne sais pas… je n’ai rien