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la tuer… Elle était renversée comme ça, sur le plancher… lui, couché sur elle… comme ça, il la tenait à la gorge… Et il farfouillait la blessure de son couteau, comme ça !… comme ça !…

Il y avait, çà et là, des exclamations d’horreur, et, peut-être, des protestations, des doutes…

— Mais, regardez-le… s’acharnait le camelot… Regardez sa chemise, ses mains, son visage… Ils sont pleins de sang !

— C’est vrai !… C’est vrai !…

— Oh !… oh !…oh !…

Une femme dit :

— C’est presque un enfant !

Un autre dit :

— Il n’a pas de barbe encore !…

Une troisième dit simplement, avec de l’admiration :

— Ainsi !… Voyez-vous ça !

Alors, le camelot insistait :

— Mais regardez-le !… Et son air de bête prise au piège !…

— C’est vrai !… C’est vrai !…

Comme je l’ai raconté plus haut, épuisé par mes efforts à le soulever, à le traîner, je m’étais laissé tomber près du cadavre… Je ne faisais pas un mouvement… Et je considérais tout ce monde, je considérais le camelot, sans entendre encore, sans comprendre qu’il m’accusait du meurtre de la vieille aux tapisseries… Je n’avais plus aucune idée dans la tête… Ma tête était vide, vide, vide !…