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l’étonnement, seul, car je n’imaginais rien au delà de cette présence, et je n’en redoutais rien d’autre que la propre terreur qu’elle dégageait :

— Qu’est-ce que tu fais ici ?… répéta-t-il.

— Je ne sais pas !… balbutiai-je.

— Ah ! tu ne sais pas !… tu ne sais pas !… Elle est bonne !…

Et il me secouait rudement par les épaules… Et ses yeux avaient des lueurs sombres. Il était en chemise, lui aussi, avec les jambes nues, des jambes couvertes de poils.

— Pourquoi es-tu ici ?

Alors, ne sachant ce que je répondais, je répondis sur l’air de la chanson, qui chantait en moi :

— Je voulais en avoir le cœur net !… Je voulais en avoir le cœur net !…

— Ah ! tu voulais en avoir le cœur net !… Eh bien… attends un peu !…

M’ayant lâché, il sortit, referma la porte… Et j’entendis aussitôt la voix qui retentissait dans l’escalier.

— À l’assassin !… au secours ! au secours !…

Et des portes s’ouvrirent, claquèrent. Et des voix se répondirent, d’étage en étage… Et les cris du camelot retentirent, plus forts :

— À l’assassin !… au secours !… à l’assassin !…

Hébété, je m’étais laissé tomber, sur le plancher, près du cadavre… Et je répétais sur l’air d’une vieille chanson de mon pays :