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veux en avoir le cœur net, je veux en avoir le cœur net !… »

Je rentrai dans ma chambre où j’allumai — avec combien de peine — une bougie… et je sortis, de nouveau, sur le palier.

Alors je vis une chose si effrayante que je reculai encore… Mais ce ne fut qu’une faiblesse d’une seconde, et, par un violent effort sur moi-même, je la surmontai facilement… Voici ce que je vis.

La porte de droite, la porte de cette chambre qu’habitait la vieille dame aux tapisseries, était grande ouverte… Un linge blanchâtre et deux pieds en dépassaient le seuil, deux pieds immobiles et nus, deux pieds dressés dans la position que doivent avoir les pieds appartenant à une personne couchée sur le dos…

Il est rare que les choses — à l’exception des yeux — soient effrayantes en soi. Elles ne le sont que par les circonstances qui les entourent, à un moment déterminé, et les événements terribles où elles n’ont d’autre valeur d’action que d’y avoir — je ne dis pas même participé, mais simplement assisté !…

Ce qui m’effrayait dans ces pieds, ce n’étaient pas les pieds eux-mêmes, mais les cris, les appels, les chocs que j’avais entendus, et qui leur donnaient une signification précise de témoignage ? Et puis, il faut bien que je le dise… À cet effroi général, s’ajoutait un autre