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Et je regrettai presque ma chambre de là-bas, qui, certes, n’était pas somptueuse non plus… et je regrettai aussi la cour si triste où ma mère, le matin, venait, sale et débraillée, traînant ses savates et son jupon dans l’ordure, étendre ses frusques sur les cordes… Et je regrettai, pareillement, la rue si mélancolique où, toujours aux mêmes heures, spectres d’hébétude, les mêmes passants passaient !…

C’est dans cette maison de la rue Princesse que, huit jours après mon installation, il m’arriva la seule aventure dramatique de ma vie, car mon mariage, au fond si tragique, et la mort si irrésistiblement comique de ma belle-mère, je ne les considère pas comme des aventures, mais seulement comme de menus incidents sans importance ou du moins, comme des incidents dont l’importance n’est que pittoresque et anecdotique. Vous comprendrez donc que je mette une certaine coquetterie d’émotion, et même quelque orgueil, à vous en faire le récit…

Une nuit — il pouvait être deux heures du matin — je venais de m’endormir… Je m’endormais très tard, parce que ayant pu me procurer des livres je lisais, je lisais, jusqu’à ce que la fatigue me fît tomber le livre des mains… Je venais de m’endormir, lorsque je fus réveillé en sursaut par un grand cri… Ce cri semblait avoir été poussé dans la chambre de gauche qu’habi-